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L'endosquelette thoracique des insectes

J.BARLET

Pour beaucoup d'auteurs, les deux sous-classes d'Insectes, les Ptérygotes et les Aptérygotes, sont nettement séparés. En fait l'anatomie et la morphologie du thorax de ces derniers, originellement aptères et à caractères archaïques, étaient inconnues avant 1946. Depuis, l'étude de la musculature, du squelette externe et interne de ces derniers, a permis de mieux comprendre, en grande partie, comment la structure du thorax des Ptérygotes a pu dériver de celle des Aptérygotes, probablement d'une forme voisine des Thysanoures. un bon nombre de particularités du thorax des Aptérygotes se retrouvent dans celui des Ptérygotes : le but de la présente note est d'en faire connaître les plus caractéristiques.

 

Schématiquement, le flanc ou pleuron d'un segment alifère du Ptérygote (Fig.1) consiste en une plaque divisée en un épisterne ES antérieur et un épimère EM postérieur par un apodème pleural ap sur lequel s'invagine à un niveau variable, une épine plus ou moins développée,le processus pleural pp. La région sternale comporte originellement un basisternum BS et un furcisternum FS. Une paire d'invaginations sternales, les furcas f, s'élève près du bord proximal des coxas. Postérieurement au pro- et mésothorax se voit fréquemment une invagination épineuse médiane, la spina sp.

 

Dans les cinq ordres d'Aptérygotes, le flanc d'un segment thoracique (Fig.2) est constitué par deux arcs concentriques superposés. Le supérieur (ou anapleure ap) bute en avant sur le basisternum, plaque primitive du sternum. L'inférieur (ou catapleure cp) est plus complet, en forme d'anneau entourant la coxa ; sa portion proximale peut être très étroite. Une troisième sclérification plus ou moins développée, le trochantin ti, est un dérivé de la coxa comme le prouvent nos études de la musculature de différents Arthropodes.

A part deux exceptions signalées plus loin, l'endosquelette sternal et pleural des cinq ordres d'Aptérygotes est membraneux, conjonctif, sous-épidermique. il est d'une seule pièce, les portions furcale (f,g) et spinale (m,n,l) étant reliées, contrairement à ce qu'on observe chez la plupart des Ptérygotes.

Il est constitué de lames horizontalespar dessus le système nerveux reliées à l'épiderme de l'exosquelette par de nombreuses tigelles fragiles dont la plupart se retrouvent dans les cinq ordres : malgré les aspects externes bien différents de ceux-ci, il y a donc un plan fondamental de constitution de l'endosquelette. On peut signaler en passant qu'il est aussi membraneux et construit sur le mêmeolan chez les Crustacés Malacostracés inférieurs.

Des invaginations de l'exosquelette sont présentes chez les Machilides et les Japygides. Chez les premiers, l'énorme procesus pleural des méso- et métathorax est en relation avec l'acte de sauter. Chez les seconds, trois énormes spinas interviennent dans l'acte de fouir. Dans les deux ordres, le reste de l'endosquelette est membraneux.

Par leur importance en phylogénie, certaines tigelles présentent un grand intérêt. Nous allons les reprérer sur la figure 2. La tigelle pleurale p naît toujours sur la limite entre les deux arcs pleuraux. elle préfigure le processus pleural des Ptérygotes : certains de ceux-ci ont d'ailleurs conservé des traces de ces deux arcs originels et leur processus pleural surgit nettement sur la limite entre les deux (voir p.ex. : Pteronarcys Palpares, Myrmeleon). Par son attache sur le même lieu morphologique que la furca des Ptérygotes, la tigelle sternale f peut lui être homologuée, ce que confirme l'étude des muscles.

Elle est toujours fixée sur la limite entre l'anneau catapleural et le sternum proprement dit. Grâce à ce détail, il est possible d'identifier le latérosternite de certains Ptérygotes (Fig. 1: Is) à la portion proximale de l'anneau catapleural originel. L'attache d relie la région furcale (f + g) à l'arrière des arcs pleuraux. Elle est fréquente chez les Ptérygotes (Fig.3) et elle est la seule attache pleurale du furcoïde membraneux des Myriapodes Chilopodes.

 

La portion spinale de l'endosternite des Aptérygotes comporte trois tigelles présentant une importance théorique. La première n, est fixée sur la furcilla fc, lieu où convergent pleure, notum et zone intersternale is. Chez les Machilides si archaïques, elle est remplacée par une lame ondulée verticale depuis le mésothorax jusque dans les segments abdominaux : j'y vois un reste de dissépiment embryonnaire. Cette idée est confirmée par la paire d'attaches a et l fixées respectivement sur les bords antérieur et postérieur de la zone intersegmentaire is qui, présente chez tous les Aptérygotes, semble bien être originelle. Les attaches a et l existent chez tous les Aptérygotes étudiés. Fait remarquable chez les Machilides et les Collemboles: chacune est double ce qui évoque les cavités coelomiques gauche et droite. Ces deux paires de piliers enjambant l'intersternite existent déjà chez le plus archaïque des crustacés, le Céphalocaride.

Nous avons vu plus haut que les Ptérygotes ont conservé des traces des arcs pleuraux originels: elles sont surtout marquées dans le prothorax, ce segment présentant chez tous les insectes une structure plus primitive que celle des deux suivants. D'autres survivances des Aptérygotes se retrouvent chez un assez grand nombre de larves ou d'imagos de Ptérygotes. souvent, il s'agit de l'endosternite membraneux de la région spinale: s'il est fréquemment réduit à une tigelle transversale n fixée sur une spina cuticulaire, dans l'exemple choisi ici (Fig.3) il est conservé intégralement. Exceptionnellement, on y retrouve même les deux piliers spinaux membraneux a et l. Il se pourrait que l'unique spina cuticulaire définitive des Ptérygotes corresponde tantôt à la première, tantôt à la seconde des Aptérygotes et ne soit pas une invagination surgie au milieu d'un sclérite spinisternal comme le laisse penser le schéma classique (Fig.1).

 

 

Au cours de l'évolution des Ptérygotes les endosquelettes membraneux, fibreux, hérités des Aptérygotes ont été progressivement remplacés par des invaginations de l'exosquelette surgissant dans les mêmes lieux morphologiques. Chez les crustacés Malacostracés on observe exactement la même évolution de l'endosquelette en passant des plus archaïques, p.ex. Anaspides, aux Décapodes supérieurs.

La présente note constitue en réalité un résumé d'un travail plus étendu (BARLET, 1988 - Considérations sur le squelette thoracique des insectes Aptérygotes, Bull.Ann. Soc.r.belge Ent., 124: 171 - 187) contenant un plus grand nombre de détails morphologiques dont la valeur est discutée ainsi qu'une assez abondante bibliographie concerant les sujets évoqués ici.